Nicolas Laporte est un astrophysicien. Originaire d’Auvergne, il travaille désormais à l’université de Cambridge en Angleterre. Il se passionne pour les galaxies depuis toujours. Aujourd’hui, il nous présente les dernières découvertes sur la naissance de l’Univers et de ses galaxies. Un entretien qui nous permet de nous interroger sur la place et le rôle de l’Homme dans cette grande organisation spatiale.

Nicolas Laporte, est-ce que vous pouvez nous expliquer comment on devient astrophysicien ? 

Nicolas Laporte : Je crois que j’ai toujours été fasciné par l’espace. Lorsque j’étais enfant, j’ai reçu une petite lunette astronomique à Noël. Depuis ce jour-là, j’ai toujours voulu être astrophysicien.

Lorsque j’étais au lycée à Chamalières, mon conseiller d’orientation s’est montré plutôt pessimiste. Il m’a expliqué que pour devenir astrophysicien, il fallait être excellent et que j’étais plutôt moyen plus. Comme j’aimais beaucoup la diffusion des connaissances, j’ai décidé que je serai plutôt professeur. J’ai intégré l’Université Blaise Pascal, devenue l’Université Clermont-Auvergne. À cette époque, il y avait ce que l’on appelait le Plan Licence, je ne sais pas si ça existe encore. Chaque étudiant de première année était suivi par un enseignant-chercheur pour éviter le décrochage. 

Quand j’ai expliqué au professeur de chimie qui me suivait que j’aurais voulu être astrophysicien à la base, mais que je n’avais pas le niveau, il m’a donné le meilleur conseil que j’ai jamais reçu. “Si astrophysicien, c’est ton objectif, alors essaye. Si ça fonctionne, tu réaliseras ton rêve, sinon tu trouveras toujours une porte de sortie avec ce genre d’études.”

On sait comment l’histoire se termine, mais racontez-la-nous quand même !

Je me suis donné à fond. Quand on fait les choses par passion, souvent, ça paie. Et ça a bien fonctionné de mon côté. Après ma licence, j’ai cherché un master, et j’ai gardé en tête l’idée de la porte de sortie. A Bordeaux, j’ai trouvé un master astrophysique couplé à la physique des particules, et donc par extension le nucléaire.

Ensuite, j’ai obtenu une bourse ministérielle pour mener ma thèse. Mon sujet de recherche concernait la recherche des galaxies les plus lointaines. Depuis cette époque, je n’ai pas changé de domaine de recherches. Aujourd’hui, je suis enseignant chercheur à l’Université de Cambridge à une centaine de kilomètres au nord de Londres.

Et alors, Nicolas Laporte, vous astrophysicien, qu’est-ce que vous cherchez ?

J’essaie de comprendre comment se sont formées les nouvelles galaxies. Depuis le milieu du XXe siècle, on sait qu’il y a eu un début à l’Univers. On sait déjà comment expliquer la naissance de l’univers. D’ailleurs, aujourd’hui encore, on peut observer l’écho qui a été émis il y a 14 milliards d’années après le Big Bang. Vous aussi vous avez pu observer cet écho. Lorsque vous allumiez les anciens postes de télévision il y a 15 ans, on avait de la neige, du bruit. Cette lumière, c’était en partie l’écho du Big Bang. Ça a disparu avec l’arrivée de la TNT.

Au fil des années, les chercheurs se sont rendu compte que les galaxies s’éloignaient les unes des autres. On a également constaté que plus elles étaient loin plus elles s’éloignaient vite. Ce qui nous amène à la conclusion que l’univers est en expansion et cela signifie également qu’à un moment, il a été tout petit.

Le sujet est vaste. Sur quoi se concentrent vos travaux de recherches en astrophysique ?

Nicolas Laporte : Lorsque l’on a commencé à regarder les galaxies lointaines, nous avons pu observer qu’elles étaient beaucoup plus petites que les galaxies qui nous entourent. Cent fois plus petites que la Voie Lactée, par exemple. Après leurs formations, elles évoluent selon la théorie de la formation hiérarchique des galaxies. Cela signifie que les petites galaxies ont fusionné en entrant en collision pour former des galaxies plus grandes.

Vous travaillez avec des télescopes dernière génération. Est-ce que vous pouvez nous parler des innovations technologiques qui ont permis de faire évoluer les connaissances dans le domaine ?

Le principe du télescope reste le même depuis son apparition. C’est un miroir qui capte la lumière. La seule chose qui ait changé, c’est la taille de ce miroir. Aujourd’hui, le plus grand se trouve au Canaries et mesure 10.2 mètres au sol.

Une autre avancée, c’est l’apparition des caméras infrarouges. Quand on veut regarder le passé de l’Univers, il faut regarder dans l’infrarouge, à cause de l’expansion de l’Univers. Les premières caméras IR ont été embarquées à bord de Hubble en 2009. Tous les objets de l’univers émettent un certain niveau de rayonnement infrarouge, et cette innovation a permis de grandes avancées.

Dans le quotidien d’un astrophysicien, comment est-ce que l’on peut faire une veille efficace sur ces sujets de pointe ? Je suppose que vous ne scrollez pas Twitter tous les matins.

Pas Twitter. En revanche, je scrolle les journaux scientifiques. Il y a quelques années, il y avait environ 10 nouvelles découvertes par jour, aujourd’hui, ce sont plutôt 25. On est à l’âge d’or de l’astrophysique. Il y a tout à découvrir.

Personne n’a encore apporté la réponse à la question de la naissance de l’Univers et des galaxies, mais les chercheurs y contribuent en apportant leur pierre à l’édifice. Blaise Pascal le disait très bien avec cette citation :

Non seulement chacun des hommes s’avance de jour en jour dans les sciences, mais […] tous les hommes ensemble y font un continuel progrès à mesure que l’univers vieillit[…]. De sorte que toute la suite des hommes, pendant le cours de tant de siècles, doit être considérée comme un même homme qui subsiste toujours et qui apprend continuellement.

Blaise Pascal

D’ailleurs, c’est pour cela que l’on organise des congrès et des conférences entre pairs. On ne peut pas rester dans notre coin dans notre labo, nous devons partager nos découvertes avec nos collègues pour continuer à faire avancer la science.

Où en est-on aujourd’hui ? Quelle est l’actualité astrophysique dans le monde ? 

Nicolas Laporte : Dans ce domaine, les Etats-Unis arrivent en tête avec la NASA. Le 25 décembre 2021, elle a lancé depuis la base européenne de Kourou, le James Webb Space Telescop. Le diamètre de son prédécesseur, le télescope Hubble était de 2 mètres. Celui-ci atteint 6 mètres. Il est large comme un terrain de tennis et haut comme un immeuble de trois étages. Il a été conçu pour aller observer l’univers “jeune”.

En Europe, les Allemands, les Italiens et les Anglais sont à la pointe de cette recherche. Quant à la France, elle est excellente sur la partie technique.

La planète Terre n’est pas très en forme. À quoi cela sert-il de vouloir aller toujours plus loin dans notre connaissance de l’Univers ?

Je reviendrais à ma définition de l’Humanité d’un point de vue scientifique. L’Homo-sapiens, c’est, par définition, l’Homme qui pense. L’Homme s’est toujours interrogé sur les étoiles et les constellations. On retrouve des illustrations dans les grottes de Lascaux ou les pyramides d’Egypte. Qu’est-ce que cela signifierait si nous arrêtions de nous poser des questions ? Il faut que l’on continue à s’interroger. L’Homme doit continuer de progresser. D’autant plus, ne l’oublions pas, que le budget annuel de la recherche spatiale européenne ramené au nombre d’habitants représente le prix d’un café. 

Quels sont les sujets chauds chez les astrophysiciens ? 

On se demande quelle est la plus petite galaxie qui puisse se former. Pour l’instant, nous n’avons pas de réponse. C’est un sujet encore très récent, qui date des années 70. A ce jour, nous savons que les galaxies se sont formées dans des halos de matière noire, mais pour le reste, on ne sait pas.

Le second gros sujet, c’est la recherche de la vie. Depuis 1995, on a découvert que des planètes tournent autour d’autres étoiles que le soleil. Ce sont les exoplanètes. Nous en avons identifié plus de 4 000. Les probabilités qu’il y ait une autre forme de vie quelque part dans l’espace sont en notre faveur. 

Depuis un an, la science a mis au point les instrumentations capables d’aller analyser l’atmosphère sur ces exoplanètes. Pour que la vie soit possible, il faut retrouver un certain nombre d’éléments dans l’atmosphère, comme le carbone, l’oxygène, etc..

LA NASA vient de mettre au point des voiles photoniques optimisées pour l’exploration de Proxima du Centaure et ses planètes. C’est une sorte de parachute qui sera propulsé par des rayons laser. Ce système planétaire est à 4 années-lumière, il faudrait 80 000 ans avec des moteurs à propulsion classique pour le rejoindre. Avec ces voiles photoniques équipées d’une caméra, on y arrivera en moins de 30 ans et l’on pourra prendre des photos rapprochées de ces exoplanètes avant de les renvoyer sur Terre. 

C’est l’instant carte blanche, quelque chose à ajouter ?

Nicolas Laporte : J’ai créé l’association InfiniSciences quand je me suis aperçu qu’il y avait très peu, voire pas du tout, de conférences scientifiques à Clermont-Ferrand. Nous devons continuer à faire des découvertes, mais nous devons également les partager au plus grand nombre. La programmation se fait au hasard des rencontres et des opportunités. Chaque fois qu’une chercheuse ou un chercheur vient sur Clermont-Ferrand, il va échanger avec une classe de primaire, collège ou lycée, avant la soirée-conférence. D’ailleurs, vous pouvez retrouver les replays sur notre chaine Youtube.

Dans la tête de Nicolas :

Ta définition de l’innovation : une nouveauté qui permet de faire avancer/évoluer un domaine (de recherche !) 

Une belle idée de start-up : une start-up qui rendrait l’espace accessible à tous !

La start-up qui monte : eVscope (entreprise qui a créée un télescope qui prend des photos de manière automatique)

Où est-ce que tu vas à la pêche à l’info : sur le net le plus souvent 

Une recommandation pour s’instruire (livre, podcast, magazine, série) : le livre “Poussière d’étoiles” d’Hubert Reeves (à lire et à relire) 

Une recommandation pour rire (livre, podcast, magazine, série) : La serie “The Big-Bang Theory”

une femme qui t’inspire/experte : Simone Veil

L’Auvergnat.e d’ici ou d’ailleurs avec qui tu aimerais bien boire un coup : Jean-Louis Murat