Invité par le CleRma, lors de la table ronde marques et territoires du 17 novembre dernier, Franck Barbry est Responsable fournisseurs locaux, salons régionaux et relations PME pour le groupe Auchan. Les produits locaux de qualité ont-ils un avenir dans la grande distribution ? Comment se mettent en place les relations entre magasins et fournisseurs locaux ?

Franck Barbry, avant de parler GMS et produits locaux, parlez-nous un peu de vous…

Je travaille pour Auchan depuis plus de trente ans. Après 20 ans en Hypermarché et être passé par différents postes, je suis  responsable des fournisseurs locaux depuis 8 ans, des salons régionaux et de la relation avec les PME.

Ma première casquette se concentre sur les fournisseurs locaux, c’est-à-dire les fournisseurs qui ne passent pas par la centrale et qui traitent directement avec un magasin et livrent en direct.

Le second volet de ma mission est l’organisation de salons régionaux. Nous en proposons dix tous les deux ans, pour pouvoir faire le tour des régions en deux ans. Enfin, je suis chargé des relations avec les PME d’une manière générale.

Quelles sont les difficultés de mise en œuvre d’une stratégie de développement des produits locaux en GMS ?

Les gens ne le savent peut-être pas, mais chez Auchan, nous avons la chance de pouvoir référencer, point de vente par point de vente, des fournisseurs locaux. C’est ce qui nous permet d’être au plus près du terroir de chaque magasin. Sur le plan commercial et juridique, ces relations sont directement gérées par les directeurs de magasins et leurs équipes. C’est un véritable avantage, mais ce n’est pas quelque chose de nouveau.

Cette organisation existe depuis plus de soixante ans, même si on en parle de plus en plus depuis quelques années. Par ailleurs, on voit se développer auprès des consommateurs une vraie appétence pour ce type de produits, ce qui pousse les directeurs de magasin à encore plus développer cette gamme de produits.

Pour vous, que signifie le terme “produit local” ?

Pour le consommateur, un produit local, c’est souvent une histoire de quelques kilomètres. Quant à la grande distribution, cela va dépendre du produit. On essaye de faire au plus près, mais la notion de local va varier si on parle de légumes, de charcuterie ou de confiserie. Chez Auchan, lorsque l’on fait des référencements en local avec un directeur de magasin, on ne va pas plus loin que le département ou éventuellement les départements limitrophes si la ville en question est proche de la limite administrative.

Lorsque l’on est un “petit” producteur local, n’est-on pas très contraint par le modèle de la grande distribution ? La négociation est-elle équitable ?

Je suis allé visiter Auchan Clermont vers Croix Neyrat. Le directeur travaille en direct avec des producteurs aux alentours. Ils livrent tous les jours ou tous les deux jours. C’est de la négociation de gré à gré. On est dans une relation commerciale très humaine avec un vrai accompagnement.

Bien entendu, il y a un process pour se faire référencer et des normes à respecter, mais on est loin de l’image d’Épinal ou la grande surface va essayer de tirer au maximum les prix vers le bas au détriment du producteur. Ce n’est pas du tout l’esprit. 

Les produits locaux qui sont proposés dans les Auchan sont-ils plus chers ?

Non. Les produits locaux ne sont pas spécialement plus chers. Ce sont des produits qui viennent de très près, il n’y a pas de logistique, la livraison se fait en direct. D’ailleurs, le client peut le constater lui-même puisque la grande distribution propose une offre large, des produits “premier prix”, locaux, bio etc … Néanmoins, dans la plupart des magasins, les produits locaux ont un îlot spécifique ou un linéaire bien identifiable, parce que nous souhaitons les mettre en avant dans nos magasins.

“Local” ne signifie pas forcément “de qualité”. Comment faites-vous pour informer vos clients de la qualité des produits locaux proposés ?

Nous avons décidé de ne pas créer un label “Auchan local”, mais plutôt de nous appuyer sur les marques locales et les labels régionaux ou bio, et aussi sur nos filières responsables “Cultivons le bon”.  Si on prend l’exemple des fruits et légumes, si c’est bio, il y a une charte très précise à respecter. Pour les produits locaux, on met souvent une photo, le nom et l’adresse de l’exploitation. Ce sont des producteurs locaux que les consommateurs connaissent et il est très facile d’aller trouver des informations sur leur méthode de production.

Comment voyez-vous l’avenir des produits locaux dans la grande distribution ?

Je suis convaincu que nous devons développer plus fortement les collaborations avec les labels et les marques régionales. Néanmoins, je pense que pour que les consommateurs suivent, il faut rester sur des territoires géographiques qui ont une histoire, auxquels les habitants sont attachés. Un label AURA, ce n’est pas suffisant. Ça peut être une “marque ombrelle” mais derrière il faut pouvoir la décliner plus finement au niveau géographique pour rassurer le client.

Qu’en est-il des producteurs locaux et des circuits-courts ? Vous avez des enjeux de “mass market” et de gros volumes.

Oui. Bien entendu, il faut tenir compte de la stratégie de volume de la grande distribution. Plus on multiplie les fournisseurs locaux, plus on ajoute de la complexité. Il y a les fournisseurs locaux historiques, les nouveaux producteurs, les producteurs bio etc… On ne peut pas avoir des étals qui n’en finissent pas. C’est au chef de rayon ou au directeur de valider la légitimité de faire entrer un nouveau fournisseur, c’est lui qui connaît le mieux, avec ses équipes, son terroir et ses produits.

C’est l’instant carte blanche, quelque chose à ajouter ?

Je crois fermement au terroir et aux traditions. Le développement des labels et des marques de territoire amène de la qualité et un repère géographique dans la grande distribution. C’est également une manière de transmettre des recettes de générations en générations et de faire découvrir toutes ces spécialités qui vont la richesse des territoires français et de la France.