Nous poursuivons nos échanges avec Christel Bony, fondatrice de SexTech For Good. Quel est la place de la sexualité dans l’émancipation des femmes et dans les luttes pour l’égalité ?

Comment se situe la France par rapport à d’autres pays sur le sujet de la sexualité ?

J’ai envie d’être positive, les sujets comme la SexTech commencent à émerger. Nous sommes de plus en plus nombreux à nous mobiliser. Pour autant, la France est en retard. Ce n’est pas la France qui légifère en ce moment sur le congé menstruel, c’est l’Espagne. En Angleterre, plusieurs affaires sont en cours par rapport à des femmes qui affirment avoir été discriminées au moment de leur ménopause. Et cela fait bouger les lignes.

Il y a des pays qui remboursent les assistants sexuels, alors qu’en France, c’est encore considéré comme un délit. On avance, mais pas assez vite.

Aujourd’hui, dans les médias, on voit souvent le terme “backlash” apparaître pour parler du recul des droits des femmes. L’année dernière, nous avons interviewé plusieurs figures locales du féminisme qui expliquaient que cet effet boomerang était une réaction de défense. Lorsque l’on ébranle trop la structure sociale établie, on voit apparaître des mouvements réactionnaires et conservateurs ….

Malheureusement, je le constate. Parce que nous sommes autour du 8 mars, nous sommes beaucoup sollicitées par les journalistes. Néanmoins, c’est souvent dans l’optique de rédiger un article à charge. Pour certains, la SexTech n’est qu’une manière de faire de l’argent sur la souffrance des femmes. On nous rend en partie responsables des débats qui agitent la société, comme si finalement, c’était quelque chose de négatif.

Il y a peut-être une incompréhension. Est-ce que la sexualité est un sujet générationnel ?

Aujourd’hui, les femmes montent des start-ups pour apporter des solutions à des problèmes qui les concernent. Elles font de leur santé, de leur plaisir, de vrais sujets, c’est une révolution de l’intime, un changement de société, pas uniquement une question de génération.

Les jeunes, sont peut-être plus sensibles à ces sujets, ils envisagent la sexualité avec plus de fluidité de genres. Cela les construit différemment, même si la jeunesse reste multiple. En fonction de leur éducation, et des injonctions, ils reproduiront plus ou moins certains modèles.

En quoi une innovation peut-elle changer le quotidien des femmes ?

Depuis quelques années, plusieurs applications de suivi de règles ont vu le jour. Elles nous permettent de mieux comprendre notre corps. A quel moment dans notre éducation, on nous explique réellement l’impact des modifications hormonales des règles sur notre quotidien ?

Le cycle menstruel est l’expression féminine par excellence, pourtant cela reste un sujet tabou. On peut utiliser ces applications pour mieux nous organiser dans notre vie quotidienne et professionnelle. Comprendre que si juste avant nos règles, nous sommes très fatiguées ou déprimées, ce n’est peut-être pas le moment de caler une rencontre très importante où l’on doit convaincre. Décalons à la semaine où l’on se sent “winner’

Même si la SexTech ne doit pas être réduite à la notion de plaisir, cela reste important. En-dehors des accessoires, existe-t-il d’autres initiatives autour de la sexualité féminine ?

Il en existe de nombreuses. J’ai envie de parler de Climax. C’est une mini-série sur la masturbation féminine. On peut y voir des femmes qui se caressent avec différentes techniques pour atteindre l’orgasme. Toutes les femmes (et les hommes !) devraient la visionner.

Nous sommes encore beaucoup trop nombreuses à n’avoir aucune idée de notre intimité, voire à refuser de nous y intéresser. Pourtant, c’est quelque chose de très puissant. C’est important que les femmes développent leur droit au plaisir.

C’est l’instant carte blanche, quelque chose à ajouter ?

Je travaille beaucoup sur la sexualité positive, ce que l’on appelle le sexpowerment. On ne se pose pas assez de questions sur l’impact de sa sexualité sur la société.

Aujourd’hui, de nombreux cabinets RH valorisent cette compétence appelée « assertivité”. C’est-à-dire, notre capacité à affirmer ce que nous voulons ou pas, ce qui est acceptable ou non.

On entend souvent répéter que les femmes manquent de cette “assertivité”. Mais, si c’est le cas, ce n’est pas parce que nous sommes “moins” que les hommes. Nous, les femmes de 40 ou 50 ans, on nous a construit de cette manière. On nous a appris à être dociles, à ne pas faire de bruit, à ne pas prendre trop de place, à accepter même si on n’est pas d’accord.

L’assertivité, c’est apprendre à poser ses limites, à demander ce que l’on veut, et donc à déconstruire ce que l’on nous a appris.

Je suis persuadée que cela doit débuter par notre corps et notre intimité. Nous devons conscientiser que nous sommes également un sexe fort, que nous sommes des personnes importantes. “Nous réapproprier notre puissance”.

Or, si on reste dans le schéma classique de la sexualité, basé essentiellement sur le plaisir de l’homme, il est difficile de s’attaquer aux autres sujets.

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