La table ronde organisé par Axelera a permis de faire un tour d’horizon de dispositifs locaux qui permettent aux chercheurs et aux industriels de développer de nouvelles collaborations. Des outils indispensables pour mettre en oeuvre de nouveaux projets et innover dans les secteurs clés de l’économique locale et française.

Aperçu des mécanismes de collaboration actuels entre le public-privé

Michel James, Directeur du CFA de Clermont-Ferrand, offre un aperçu des dispositifs en place pour renforcer les liens entre l’éducation et le monde professionnel : « Notre CFA gère 2600 apprentis et propose 100 diplômes, ce qui souligne l’importance de l’insertion professionnelle dans divers secteurs. Depuis 2018, nous avons vu un bond significatif dans l’adoption de l’apprentissage, grâce à un financement accru. »

Il ajoute que le spectre des collaborations ne se limite pas à l’apprentissage mais inclut également d’autres formes d’engagement pratique, telles que les stages, l’alternance, et les thèses CIFRE (Conventions Industrielles de Formation par la Recherche). Ces mécanismes jouent un rôle crucial en permettant aux étudiants d’acquérir une expérience pratique significative tout en poursuivant leurs études

Le Centre des Matériaux Durables et l’industrialisation des startups

Pierre Robert, Responsable du Centre des Matériaux Durables chez Michelin / Clermont Auvergne Innovation, éclaire sur les défis spécifiques liés à la phase d’industrialisation, souvent surnommée la « vallée de l’enfer ». Cette étape du développement de produits, où l’on passe de la recherche et du prototype à la production à grande échelle, est particulièrement difficile à financer. « Dans cette phase, les risques sont élevés et les investissements nécessaires sont considérables. Trouver des financements pour franchir cette vallée de l’enfer est un défi majeur pour les startups et les innovations émergentes, » explique Pierre Robert.

L’enjeu est de taille, notamment dans le domaine des matériaux durables, où les innovations doivent souvent passer par des phases de démonstration et de pilotes industriels pour répondre à des questions techniques concrètes avant de pouvoir être commercialisées. « Nous avons utilisé l’espace disponible à Cataroux pour créer une plateforme de biotechnologie partagée qui prévoit la création de 300 emplois hautement qualifiés, allant de techniciens spécialisés (bac+3) jusqu’aux doctorants et chercheurs, » poursuit-il.

Ces emplois nécessitent des compétences spécifiques en haute technologie, ce qui implique un besoin crucial de liens étroits avec l’Université Clermont Auvergne. « Le partenariat avec l’UCA est essentiel pour développer localement les talents capables de soutenir cette innovation. Nous avons besoin de programmes d’enseignement qui alignent étroitement les compétences enseignées avec les besoins de l’industrie, notamment dans les phases critiques d’industrialisation, » affirme Pierre Robert.

Compétences et métiers d’Avenirs, le nouvel AMI de France 2030

Sophie Commereuc, Directrice Générale de Clermont Auvergne INP, explique en détail comment les établissements d’enseignement travaillent conjointement avec les entreprises pour adapter les formations aux besoins émergents du marché, notamment à travers les Appels à Manifestation d’Intérêt (AMI) « Compétences et métiers d’Avenirs » associés au plan France 2030.

« Les AMI sont des initiatives cruciales qui nous permettent d’aligner nos programmes éducatifs sur les exigences actuelles et futures des industries, en particulier dans des domaines prioritaires tels que la décarbonation et la chimie verte. Ces appels sont spécifiquement conçus pour faire appel à différents acteurs du territoire, facilitant ainsi une approche collaborative, » précise Sophie Commereuc.

« Nous organisons régulièrement des ateliers avec des représentants d’entreprises, des experts du secteur et des organismes de formation pour discuter des tendances actuelles et anticiper les besoins futurs, » ajoute-t-elle.

Ces collaborations permettent aussi de développer des partenariats stratégiques qui peuvent déboucher sur des stages, des projets de fin d’études, ou des emplois directs après l’obtention du diplôme.

Le rôle des chaires industrielles dans les collaborations publiques-privées

Jean-Yves Berthon, Président de Greentech, met en lumière la collaboration fructueuse et de longue date entre l’Université Clermont Auvergne (UCA) et Greentech, débutée en 1992. Cette collaboration s’est enrichie au fil des années, notamment à travers la création de chaires industrielles et de laboratoires communs, des dispositifs clés pour renforcer les liens entre l’académique et l’industriel.

Une chaire industrielle est un partenariat où une entreprise finance ou co-finance, souvent avec l’appui de l’état ou d’autres entités, des activités de recherche et d’enseignement dans un domaine d’intérêt mutuel. « Ces chaires permettent de focaliser les recherches universitaires sur des défis concrets que rencontrent les entreprises,  » explique Berthon.

“Les chercheurs apportent leur connaissance théorique et leur capacité d’innovation, tandis que les professionnels de Greentech offrent une perspective pratique et orientée vers l’application industrielle”. Cette complémentarité est cruciale pour le co-développement de solutions innovantes qui peuvent être rapidement transférées du laboratoire au marché.

La nécessité de mieux se connaître et de comprendre les processus et les défis de chaque côté est également un élément essentiel de cette collaboration. À cet effet, Greentech a mis en place un programme où des chercheurs de l’UCA viennent passer du temps dans les locaux de l’entreprise.

Quand les étudiants planchent sur des cas d’industriels

Isabelle Vitry, ancienne cheffe du département BUT Chimie à l’Université Clermont Auvergne, met en avant l’évolution des formations vers une professionnalisation accrue, en soulignant l’importance de l’intégration d’une dimension pratique forte dans les cursus académiques. « Nos formations intègrent désormais une dimension pratique forte, avec des interventions régulières des professionnels. Cela prépare mieux les étudiants à répondre aux défis actuels, notamment dans le domaine de la chimie environnementale qui est en pleine mutation, » explique-t-elle.

Ces projets sont encadrés à la fois par des enseignants et des professionnels du secteur, assurant une supervision académique et pratique. Pour les entreprises, ces partenariats leur permettent de contribuer à la formation de futurs professionnels, et d’identifier de potentiels futurs employés.

La check list pour mieux des collaborations publiques-privées

Tout d’abord, il est essentiel d’établir un continuum dans les formations, permettant une transition fluide des étudiants de l’éducation académique vers le monde professionnel. Cela implique des formations qui répondent en temps réel aux évolutions des secteurs industriels et des besoins du marché.

Ensuite, il est crucial de créer des moments et des espaces dédiés pour faciliter l’interconnaissance entre les acteurs académiques et les professionnels. Ces initiatives permettent de développer des relations personnelles et professionnelles, essentielles pour une collaboration fructueuse à long terme.

De plus, les législations doivent soutenir et encourager les échanges et les coopérations entre les universités et les entreprises, notamment en simplifiant les procédures administratives pour la création de programmes conjoints et pour la gestion des droits de propriété intellectuelle liés aux innovations développées.

Enfin, une posture d’ouverture et la disponibilité de temps sont cruciales pour la réussite de ces partenariats. Construire des projets ambitieux nécessite un engagement à long terme et une volonté d’explorer ensemble des terrains inconnus.