Le salon Horizons Circulaires, qui s’est tenu les 22 et 23 mai 2025 au Parc de Cerey à Riom, avait pour ambition de réunir professionnels, collectivités, élus et scolaires autour de l’économie circulaire. Durant ces deux journées, l’événement a proposé un « laboratoire de solutions » avec stands et démonstrations, un réseautage dynamique, des conférences, tables rondes et pitchs, ainsi que des ateliers participatifs.

Organisé par le Valtom, le SBA et le Conseil Départemental, Horizons Circulaires proposait plusieurs parcours, dont l’un, spécifique ciblait élus et agents de collectivités. Atelier sur la commande publique durable, visite guidée des stands et table ronde dédiée aux « Territoires circulaires ». Plusieurs thématiques sectorielles ont jalonné ces deux journées : industrie, BTP, numérique responsable et IA, alimentation, énergies renouvelables, déchets, textile et ESS, illustrant la richesse des pistes de l’économie circulaire.

Chercher la robustesse

Parmi les temps forts, la table ronde animée par Le Connecteur portait sur la question : « Comment construire un territoire résilient et créateur de valeur via l’économie circulaire ? »

On pourrait s’attendre à parler de méthodes, de dispositifs, de réglementations, de politiques publiques. Mais, l’enjeu est beaucoup plus large. On cherche à construire des territoires robustes. Pas juste des politiques performantes, pas juste des dispositifs exemplaires. Des territoires qui tiennent dans le temps, qui restent vivants, qui résistent aux crises, qui créent de nouvelles marges de manœuvre, qui gardent leur capacité à agir, à innover, à coopérer. C’est Olivier Hamant, biologiste et essayiste qui porte cette notion de robustesse. Il explique:  » On vit dans un monde où on cherche toujours plus de performance, plus de rentabilité immédiate, plus d’efficacité à court terme. Mais ce sont souvent les systèmes les plus performants qui sont les plus fragiles, parce qu’ils n’ont plus de marge, plus de diversité, plus de capacité d’adaptation. La robustesse, c’est tout l’inverse. C’est accepter l’imperfection, et donc expérimenter, multiplier les liens, diversifier les solutions, faire coopérer plutôt que faire solo et surtout : construire une dynamique collective qui dure au-delà des projets, des personnes, des mandats. »

Partir des freins pour mieux les déconstruire

« Comment construire un territoire résilient et créateur de valeur via l’économie circulaire ? ». C’est ce que la table ronde cherchait à explorer : comment des territoires, comme ceux des intervenants, s’y prennent pour devenir robustes, en dépassant les blocages et en créant de nouvelles façons de travailler ensemble ?  Quatre invités pour nourrir les échanges :

  • Ludovic Ulmet, chargé de projet Ecologie Industrielle Territoriale – Service Développement économique pour Le Grand Cahors,
  • Alain Lenaud, adjoint et conseiller municipal de Cros (63)
  • Jean Claude Casalegno, enseignant chercheur à Clermont School of Business
  • Sonia Razafindranaly,  en charge de l’animation du réseau et des partenariats chez Solucir

Solucir est une association dont l’objet est d’instaurer et développer l’économie circulaire ​comme modèle prépondérant de l’économie de territoire.

Elle a récemment entrepris un travail sur sa feuille de route qui l’a conduit  à identifier les freins à lever pour  passer à l’échelle. L’association en a identifié 5 principaux, chacun accompagné d’actions et d’outils concrets pour transformer ces obstacles en leviers. C’est une matière première intéressante comme socle de discussion.

  • sensibiliser : partager la connaissance et diffuser des outils
  • réseau et anim dynamique territoire, rencontre,
  • émergence de lieux physiques
  • territoire 2050 ; récits prospectifs avec tous les acteurs,
  • essaimage : besoin de donner de la visibilité, donner des chiffres, évaluer

Sensibiliser pour éveiller l’envie

Frein : il faut que les acteurs se comprennent, parlent le même langage et puissent s’outiller avant même d’imaginer coopérer. C’est souvent la première étape : partager un socle commun de connaissance. Et également, rendre les approches concrètes, faciles à appréhender pour démarrer. 
Leviers expérimentés: La démarche Lot’EC a priorisé la question des déchets et organisé des ateliers pédagogiques pour en appréhender les coûts et imaginer de nouvelles solutions. Dans le prolongement, elle a mis en place des « fiches synergies » pour permettre à chacun d’identifier ses besoins et ses ressources (exemple : échanges de palettes). De son côté, Solucir propose toute une programmation d’événements, de salons, de conférences, de partages d’expériences. Elle développe également des espaces de mise en commun des pratiques (jeux, outils méthodologiques).

Pour la commune de Cros, l’accompagnement du changement de pratiques s’appuie sur l’expérience intergénérationnelle citoyenne, en multipliant les ateliers participatifs aux différents projets (centrale solaire, ferme maraichère, vélo…)

Animer pour fédérer une communauté

Frein : l’isolement des acteurs et l’éparpillement des initiatives. Les démarches collectives ont besoin d’animateur, d’espaces de mise en lien, de temps dédié pour créer du commun. Il faut gérer à la fois le temps long, la perspective et le temps court, les résultats tangibles qui motivent.


Leviers expérimentés: Ludovic Ulmet sait que l’animateur a un rôle clé pour relancer les dynamiques et éviter l’essoufflement. Il organise régulièrement des temps informels (repas, ateliers midi-deux) pour créer les connexions concrètes entre les entrepreneurs. Il propose et anime également des projets concrets : une plateforme logistique, des synergies industrielles visibles. Par exemples, en donnant vie à des boucles locales (bière > drêche > biscuits). Pour Solucir, la dynamique repose également sur la participation à des projets concrets : un premier salon sur l’économie circulaire qui permet d’apprendre et de découvrir les ressources locales accessibles, un accompagnement de projets concrets (consigne de bouteilles, boîtes à pizza)…

Alain Lenaud insiste aussi sur le rôle majeur des élus locaux, pour constituer le socle de confiance nécessaire à l’engagement et créer les passerelles entre tous les acteurs du territoire, associations, entreprises, citoyens …

C’est ce que Jean Claude Casalegno appelle des pionniers inspirés  et qui prennent appui sur des projets mobilisateurs pour fédérer les collectifs, qui constituent des ‘objets transitionnels’.

Construire un récit pour mobiliser

Frein : l’absence de vision commune, qui rend l’engagement passager.
Leviers expérimentés: “Faire récit commun, se projeter un peu loin”, c’est un sujet très prolixe en ce moment dans les médias et les réseaux de la transition. Il s’agirait de créer de nouveaux imaginaires positifs de la transition. Pour engager des démarches vraiment pérennes, il faudrait transformer les manières de penser, faire évoluer des habitudes et réflexes bien ancrés … et surtout, donner du sens et de l’envie… Olivier Hamant, référence en matière de robustesse des systèmes, insiste : « La force d’un territoire repose sur ses liens, même imparfaits. »

Pour JC Casalegno, il est nécessaire en effet de travailler sur l’imaginaire, de construire un récit du territoire en devenir, en prenant appui sur ces objets transitionnels qui incarnent la vision. Et c’est une autre des dimensions qu’il relève, l’importance de relier les actions à une vision longue, inclusive et  mobilisatrice. C’est ce que cherche à faire Alain Lenaud à Cros, partager la vision d’une renaissance possible d’un territoire rural, qui gagne en autonomie, en attractivité et en solidarité.
Concrètement, le projet Territoires 2050 de Solucir associe citoyens, entrepreneurs et élus pour co-créer un futur désirable, à travers maquettes, films et ateliers d’écriture collective.

Évaluer pour diffuser

Frein : avec quels indicateurs évaluer ces démarches dont l’impact est plus grand que strictement économique ?  l’impossibilité de passer du prototype à l’essaimage faute de preuves chiffrées.
Leviers expérimentés:   rendre visible ce qui est expérimenté et fonctionne, pour passer à l’échelle. Cela nécessité de définir des indicateurs simples et partagés.
Les retours d’expérience montrent qu’un tableau de bord regroupant impact social (emplois créés), environnemental (taux de réemploi) et économique (économies de coût) convainc financeurs et décideurs.

En conclusion, au-delà des méthodes, c’est la capacité d’un territoire à nouer des alliances durables et à se doter d’outils partagés qui fera la différence. Les cinq freins exposés lors de cette table ronde offrent autant de pistes d’action : à chaque étape, de la sensibilisation au suivi, c’est la mise en réseau et la co-construction qui garantissent la montée en puissance d’une économie circulaire véritablement territoriale.