Au cœur du salon Horizons Circulaires, la table ronde « Comment les industriels des territoires s’approprient l’économie circulaire » a réuni quatre acteurs majeurs : MS, Babymoov, Inverse et IPC. Chacun apportant son témoignage et ses retours d’expérience. Tous convergent : innover en mode « test & learn », repenser la valeur des produits et faire évoluer les mentalités sont les clés pour sortir du modèle linéaire.
MS : pionnier du reconditionné dans la construction
MS est spécialisée dans les solutions et services innovants de préservation de l’eau & de valorisation des sables. Depuis 1997, MS déploie des usines mobiles de recyclage et des plants de séparation pour traiter bentonites, boues et sols pollués, tout en valorisant le sable et l’eau sur les chantiers.
L’offre CustomCare Maintenance assure la révision, la réparation et le reconditionnement d’équipements, prolongeant leur durée de vie et optimisant la performance sur site.
En avril 2025, MS a lancé une plateforme en ligne de pièces d’occasion, permettant aux clients d’accéder rapidement à des composants reconditionnés, garantis ISO 9001:2015.
Sur de grands projets (tunnels, barrages, infrastructures), MS équipe les chantiers de ses unités mobiles automatisées (jusqu’à 4 000 m²) pour valoriser jusqu’à 95 % des matériaux extraits et recycler l’eau en circuit fermé. L’approche « circularité = compétitivité » est illustrée par des retours d’expérience où « la préservation des ressources se traduit par une baisse des coûts opérationnels ».
Selon l’entreprise, « ce n’est pas un produit au rabais, mais une innovation qui réduit l’empreinte carbone même avec des coûts de transport élevés ». Face à la concurrence de machines importées peu taxées, MS adopte une stratégie de test & learn : « On teste, on échoue, on réajuste. L’échec fait partie du processus ».
Invers : la filière insecte locale et intégrée
Invers développe depuis 2016 une filière d’élevage local de ténébrion meunier, un coléoptère nourri aux co-produits céréaliers issus des fermes de la région. Ce modèle place l’agriculteur au cœur du processus : les exploitations fournissent le son de blé, tandis que les unités d’élevage – dont une installation automatisée de plus de 4 000 m² à Saint-Ignat, financée à hauteur de 15 M€ – produisent des protéines destinées à l’alimentation animale (volailles, poissons, animaux de compagnie)
Les déjections des larves sont valorisées comme fertilisant organique, riche en matière, et redistribuées aux agriculteurs pour améliorer la santé des sols. Invers s’engage à renforcer la résilience des territoires : pour chaque tonne de larves intégrée dans l’alimentation aquacole, c’est potentiellement une tonne de poissons sauvages préservée.
Consciente des défis de compétitivité face aux protéines importées à bas coût, l’entreprise milite pour une réglementation harmonisée qui valorise les filières durables et assure une équité entre produits locaux et importations.
Babymoov : garantie à vie et réparabilité
Babymoov a placé la durabilité au cœur de sa démarche « GoodMoov » dès la création de la marque en 1997. La garantie à vie couvre 60 % de la gamme, un engagement unique : en cas de problème, Babymoov répare ou remplace l’équipement, puis reconditionne l’ancien produit pour lui offrir une seconde vie.
Éco-conception et réparabilité sont intégrées dès la phase de conception : chaque produit est pensé pour « faciliter la réparation », avec des pièces détachées disponibles en ligne et des tutoriels vidéos pour guider les parents dans leur entretien. Cette approche prolonge la durée de vie des produits et réduit l’empreinte carbone.
Depuis cinq ans, Babymoov a lancé une offre de reconditionnés : produits 100 % fonctionnels, garantis deux ans, remis à neuf par les experts qualité du groupe.
Le programme de rachat complète l’écosystème : les parents peuvent revendre leurs équipements via un diagnostic en ligne et être rémunérés sous 48 heures, bouclant la boucle circulaire.
Babymoov ne cesse d’améliorer ses process : retours d’usage, immersion terrain et participation à l’élaboration de normes pour garantir sécurité et robustesse. Cette dynamique d’apprentissage continu illustre la volonté du groupe de rendre la puériculture responsable accessible à tous.
IPC : catalyser l’innovation circulaire dans les plastiques et composites
Le Centre Technique Industriel de la Plasturgie et des Composites (IPC), mandaté par l’État, intervient sur toute la chaîne de valeur, du choix des matériaux à la fin de vie des produits. Grâce à un réseau d’experts et plusieurs plateformes spécialisées (éco-conception, analyses de cycle de vie, caractérisation chimique, recyclage, réemploi), IPC accompagne les industriels pour rendre leurs produits plus durables.
Trois axes stratégiques structurent leur feuille de route :
- Éco-conception : intégrer la circularité dès la conception grâce à des diagnostics environnementaux et des feuilles de route technologiques élaborées lors de projets collaboratifs.
- Recyclage & valorisation : développer des procédés pour produire des matières recyclées techniquement performantes et sûres.
- Réemploi & réutilisation : définir des protocoles garantissant la sécurité et la traçabilité des produits réemployés.
En mars 2025, IPC a signé un partenariat stratégique avec l’ADEME pour conjuguer leurs expertises en transition écologique et énergétique.
Selon IPC, repenser un produit peut prendre entre cinq et vingt-huit ans. L’objectif est de démontrer, via des analyses de cycle de vie et des certifications, que le recyclé est une matérialité régénérée de qualité, tout en plaidant pour une réglementation harmonisée appliquée aux importations.
Enjeux et perspectives pour les industriels
Les retours d’expérience soulignent d’abord la robustesse des approches circulaires développées : l’innovation technique, l’expérimentation continue et les partenariats entre entreprises, centres techniques et éco‑organismes ont permis de faire germer des modèles viables sur le terrain. Pourtant, le chemin reste long et semé d’embûches : repenser un produit de A à Z peut prendre plusieurs décennies, les coûts initiaux dépassent souvent ceux des solutions linéaires et les consommateurs restent attachés au prix bas.
Pourtant, la montée en puissance des labels, des analyses de cycle de vie et des certifications offre un terrain propice à la valorisation des performances environnementales. La perspective d’une réglementation harmonisée — étendue aux importations — pourrait rééquilibrer la concurrence et soutenir les filières locales. De plus, la demande croissante pour des produits durables et réparables constitue un levier pour développer des marchés résilients.
Face à ces défis, la coopération intersectorielle apparaît comme la clé : mutualiser les savoir‑faire, capitaliser sur les réussites et faire évoluer les normes collectivement permettra de transformer les contraintes actuelles en opportunités de croissance durable. Cette dynamique conjointe offrira aux industriels des territoires les moyens de renforcer leur compétitivité tout en ancrant l’économie circulaire comme un modèle de référence.