La faillite de FTX, la deuxième plus grande place de marché au monde de cryptomonnaies reste obscure pour beaucoup d’entre nous. Pour mieux comprendre les coulisses de l’affaire, nous vous proposons un double éclairage clermontois. Celui de Nanda Ramadasan, expert de l’écosystème crypto et de Joris Bonnet, doctorant blockchain et droit financier.

Qu’est-ce que FTX ? Et comment est-ce que cela fonctionne ? 

Sam BANKMAN-FRIED – SBF a créé deux sociétés qui ont joué un rôle clé, FTX et ALAMEDA RESEARCH. FTX était une place de marché centralisée mettant en relation des acheteurs et vendeurs de cryptomonnaies et de leurs produits dérivés. La plateforme a connu un succès rapide en grande partie pour sa simplicité d’utilisation, elle a été créée « par des traders pour des traders ». FTX a émis le token $FTT, qui offrait divers avantages sur la plateforme, notamment la réduction sur les frais de trading et la possibilité d’investir sur de nouveaux projets à des tarifs préférentiels. Le cours du token $FTT a grimpé en même temps que la montée en puissance de FTX.

Que s’est-il passé ce week-end concrètement ?

Récemment, il a été mis en lumière que FTX ne possédait pas suffisamment de liquidités pour couvrir les retraits de tous ses clients en cas de bankrun. C’est-à-dire, une forte affluence de clients cherchant à récupérer leur fonds sur un temps court. En effet, on apprend que les cryptos déposées sur FTX par les utilisateurs ont servi en grande partie à couvrir les dettes de la société d’investissement de SBF, à savoir ALAMEDA RESARCH. Sur le papier, FTX pouvait paraître solvable, car elle possédait la majorité des tokens $FTT qu’elle avait émis. La crainte sur la solvabilité de FTX a eu un effet auto-réalisateur. La panique s’est emparée des marchés, le cours du $FTT s’est effondré, laissant FTX dans l’incapacité d’honorer les retraits et conduisant la plateforme à la faillite.

Quelles peuvent être les conséquences pour les investisseurs crypto ?

Il faut considérer tous les fonds que les utilisateurs pensaient posséder sur la plateforme comme définitivement perdus, car rien ne garantit aujourd’hui qu’ils en récupéreront même une faible quantité à l’issue de l’interminable procès qui se profile.

Quelles peuvent être les conséquences pour l’écosystème blockchain et cryptomonnaie ?

D’autres acteurs étant investis dans FTX et ALAMEDA RESEARCH, le marché s’attend à un effet domino. Côté utilisateurs, la méfiance envers les plateformes d’échange centralisées n’a jamais été aussi grande, faisant craindre d’autres bankruns. D’autres voient là l’opportunité de rappeler les dangers de la centralisation, et la possibilité de repartir sur des bases saines.

Qu’est-ce que FTX ?

FTX est une plateforme d’échanges de cryptoactifs dont le siège social se situe aux Bahamas. C’était jusqu’à la fin de semaine dernière la deuxième plus grande interface au monde avec une capitalisation estimée à 30 milliards d’euros. Forte de sa position derrière son concurrent Binance, le groupe FTX détient environ 130 sociétés œuvrant dans l’écosystème de la crypto.

Comment est-ce que cela fonctionne ?

La plateforme permet d’échanger des cryptoactifs contre d’autres cryptoactifs ou des devises traditionnelles. Elle est reconnue, et travaille même régulièrement avec le régulateur américain dans la construction du régime juridique des acteurs de la finance décentralisée. Son token de fonctionnement s’appelle le FTT. C’est le jeton qui permet à la blockchain de TFX de fonctionner et son cours varie en fonction de l’utilisation de la plateforme.

Que s’est-il passé ce week-end concrètement ?

Début novembre Coindesk, un journal spécialisé, pointe du doigt la forte dépendance de la société Almeda Research (appartenant à FTX) au cours du Token FTT. Autrement dit, le groupe FTX se sert d’Almeda Research pour investir dans le token d’une autre société du groupe dans un montage douteux et porteur d’importants conflits d’intérêts.

Dimanche 6 novembre, Changpeng Zao PDG de Binance, annonce que sa société qui avait acquis 2.1 milliards de dollars en FTT souhaite s’en séparer. Résultat, le cours du FTT s’effondre. Binance projette alors le rachat du groupe. Elle renonce finalement après un audit révélant des enquêtes en cours et une mauvaise gestion de l’entreprise.

En l’absence de repreneur, FTX s’est placé vendredi 11 novembre sous le régime américain du droit des faillites. Dernier rebondissement, un hack de 477 millions de dollars a frappé la plateforme le jour suivant son dépôt de bilan.

Quelles peuvent être les conséquences pour les investisseurs crypto ?

Les utilisateurs de FTX ont vu leur capital gelé et les retraits sont bloqués jusqu’à nouvel ordre. Un audit va être réalisé pour monétiser les actifs des 130 sociétés liées. Les quelques 100 000 créanciers pourraient ne pas récupérer leur mise.

Qu’est-ce que cela révèle de la technologie blockchain ?

Strictement rien. La technologie n’est pas en cause et ce gigantesque effondrement n’est dû qu’à des délits de gestion imputables au gérant. Encore une fois, la vulnérabilité ne touche pas le protocole mais la société d’exploitation. Cependant, on peut relever à nouveau l’importance du stockage à froid (conservation des actifs hors ligne).

Quelles peuvent être les conséquences pour l’écosystème blockchain et cryptomonnaie ?

A court terme la capitalisation des cryptoactifs a souffert de la nouvelle. Néanmoins, une vision plus large permet d’en tirer de nouvelles leçons.

D’abord, l’affaire FTX montre qu’en matière de cryptoactifs il n’existe pas de « too big to fail ». Des acteurs majeurs peuvent s’éteindre en quelques jours.
Ensuite, on peut regretter qu’une entreprise aussi proche du régulateur américain ait pu commettre autant de fautes de gestion avant d’être démasquée par un média spécialisé. Sur le plan juridique, on retiendra que l’encadrement est encore loin d’être satisfaisant malgré des règles lourdes qui freinent parfois les initiatives. La finance décentralisée doit voir émerger de nouvelles règles. FTX démontre que les organes de la finance traditionnelle ne sont pas aptes à réguler ces nouvelles pratiques. On ne construira pas la finance de demain avec les outils d’hier.