Mélissa Mialon, est ingénieure en agroalimentaire et docteure en nutrition, chercheuse en santé publique et professeure adjointe à la Trinity Business School​, à Dublin. Elle travaille aussi auprès de l’OMS et a publié l’ouvrage «Big Food & Cie». Avec cet ouvrage très offensif, elle partage ses recherches sur les liens entre alimentation et lobbys. L’association Lieu’Topie, très engagée contre la précarité des étudiants, l’a accueillie pour un échange sur ces pratiques.

Pourquoi on mange mal ?

Pour Mélissa Mialon, avec la mondialisation, les industries agroalimentaires occupent un rôle de plus en plus important. Elles sont de plus en plus puissantes et présentes dans nos placards. Et elles seraient responsables d’une mauvaise alimentation, sources de développement de maladies non-transmissibles. En cause, l’ultra transformation. Pour « ajouter du goût », conserver plus longtemps, obtenir des produits plus beaux… les additifs sont nombreux dans ces produits. Lorsque l’on ajoute au moins 5 éléments, on entre dans l’univers des aliments ultra-transformés (AUT) dont le chercheur clermontois Anthony Fardet a fait son cheval de bataille. Cela permet d’avoir des produits attractifs, transformés avec des ingrédients qui coûtent le moins cher possible. Ainsi, avec des prix plus bas, ces produits séduisent les milieux plus populaires.

Les plus précaires n’ont pas forcément le temps de se préoccuper de la qualité de ce qu’ils mangent. Ils font avec ce qu’ils ont, avec l’argent dont ils disposent et avec les commerces qui se trouvent à proximité. Et cela impacte forcément leur qualité de vie.”

Avantage aux industriels

  •         Le prix et la praticité.
    • Ces deux arguments jouent en faveur de ce qu’elle qualifie de malbouffe. Les aliments ultra transformés sont produits industriellement avec des ingrédients à bas coût. Impossible de comparer avec des produits artisanaux, fabriqués avec d’autres modes de production, moins intensifs et des ingrédients bruts. La consommation de ces produits est sur représentée dans les milieux les plus populaires. Et cela peut alors créer les maladies liées à l’obésité ou la malbouffe en général que l’on voit croitre dans nos sociétés occidentales. Il y aussi la tendance générale à la baisse du budget alimentaire dans les dépenses globales des ménages, au profit d’autres types de dépenses. Et enfin, l’évolution des modes de vie qui a fait baisser de manière radicale le temps consacré à la préparation des repas.
  •   La publicité et le marketing.
    • C’est le second fléau d’après Mélissa Mialon. Elle constate un gouffre dans les moyens consacrés au marketing par ces grandes marques et les produits bruts ou artisanaux. Ceux qui impriment nos mémoires sont bien les produits industriels. Et puis, elle explique qu’aux côtés de la publicité visible, il y a aussi celle qui est plus cachée. Elle cite ainsi les pratiques de distribution gratuite, de sponsoring de club de sports, ou de centres de loisirs qui permettent d’infuser auprès des jeunes publics.
  •       Enfin, elle met en cause les relations de proximité entre politiques et patrons de grandes entreprises, de mêmes origines sociales, qui facilitent le lobbying . Ou encore le poids économiques de certains grands groupes qui influeraient directement sur les décisions politiques.

Cuisiner pour s’engager

La solution parfaite, c’est un retour vers les produits bruts, locaux, de saison et cuisinés soi même. C’est bon pour la planète, pour la santé et pour le territoire comme le recommandent Cyril Dion et Arthur Keller. On y oppose souvent la question du prix. Or, des chercheurs ont démontré que l’on peut obtenir un caddy de même prix en faisant des choix différents. Mais c’est une question culturelle et sociale. Il faut avoir envie, avoir accès aux produits, avoir le temps ou l’énergie de le dégager … et aussi un peu de savoir faire. C’est toute l’ambition de LieU’topie. Créer des lieux où les jeunes puissent accéder à des aliments de qualité et peu onéreux et qui soient aussi des lieux d’échanges, de débats, … autour de l’alimentation notamment.

Les pouvoirs publics pourraient aussi légiférer pour que les prix des industriels tiennent compte des coûts cachés pour l’environnement par exemple. Pour cela, c’est la mobilisation des populations, via des manifestations, des pétitions, leurs votes aussi qui font bouger les lignes.

Plus d’infos sur Big Food & Cie « Comment la recherche du profit à tout prix nuit à notre santé »