Ghislaine est community manager au sein du Comité Régional du Tourisme Auvergne Rhône Alpes. Structure issue de la fusion des deux CRT que comptaient les deux anciennes régions, elle a pour missions de mettre en œuvre la stratégie de développement et de promotion touristique des destinations. Ghislaine anime la page Facebook, les comptes Insta et Twitter de l’Auvergne. Elle est aussi l’autrice d’un blog dédié aux loisirs Magic Orange Plastic Bird, bénévole pour le festival Art’Air, membre de Igersclermontferrand sur Instagram

Qui es tu ? Quel est ton parcours, ta formation … Raconte

Je suis née en Creuse et  arrivée à Clermont en 1996 pour mes études.  Mes études, je ne peux pas vraiment en faire un parcours modèle ! J’ai fait une prépa HEC, puis j’ai démarré une école de commerce, j’ai arrêté, je suis partie en licence d’anglais, puis j’ai passé des concours, de bibliothécaire et pour l’ANPE … bref, je suis un peu partie dans tous les sens !

Ensuite, j’ai commencé à travailler : à l’aéroport de Clermont, à l’Anpe … j’ai fait pas mal de petits jobs à droite à gauche… jusqu’en 2005, où j’ai  répondu à une annonce du Comité Régional du Tourisme d’Auvergne  qui cherchait  quelqu’un parlant anglais pour l’accueil téléphonique, les réservations … J’ai commencé comme ça et puis mon poste a évolué : j’ai commencé à travailler aussi sur des projets de communication, la  production vidéos, les brochures … puis les  réseaux sociaux, quand ils ont commencé à être vraiment intégrés aux stratégies.

En parallèle, je me suis toujours intéressée, à titre personnel, au digital. J’avais un blog, au départ en mode un peu … « journal intime » pendant plusieurs années, que j’ai fermé et en 2012, j’en ai créé un autre, pour  partager mes expériences de lectures personnelles, mes découvertes, mes loisirs, …

Je n’ai pas de ligne éditoriale, si ce n’est de partager mes coups de cœur (et de gueule aussi parfois)

Mon métier a évolué en même temps que les tendances, et il est vrai que ce sont mes pratiques personnelles qui m’ont permis de suivre cette évolution.

Mais finalement, ce que je fais aujourd’hui n’est pas si différent de ce que je faisais tout au début : je conseille, j’explique,  c’est le média qui a changé, ce n’est juste plus le téléphone !

La page Facebook  Auvergne Tourisme compte quelques 380 000 fans … Elle trône au sommet du classement WeLikeTravel depuis des mois. Ce classement distingue notamment les pages les plus actives en termes d’engagement et d’interactions. Plutôt satisfaisant, non ? Quels sont tes trucs et astuces ?

Oui, j’ai énormément de chance. Je gère des réseaux particulièrement bienveillants, il y a un affect fort avec l’Auvergne, je n’ai jamais eu de bad buzz à gérer. L’Auvergne est une destination touristique en tant que telle,  même si la région administrative  n’existe plus, c’est ce qui a légitimé le fait de conserver une page dédiée après la fusion des régions.

Je reçois (enfin la page) beaucoup de témoignages vraiment sympas ; par exemple, si je poste une belle photo du Sancy, les commentaires sur  les souvenirs de cure d’enfants à la Bourboule vont affluer, ce sont  souvent des commentaires très nostalgiques.

Ma « matière première »,  l’image de l’Auvergne est très forte. Honnêtement, elle assure au moins  50%  de l’efficacité de la page !  Vraiment, le lien est assez intime avec la communauté, ils partagent beaucoup de leurs souvenirs, de leurs attachements, … De mon côté, je like tous les commentaires, c’est ma façon de montrer qu’il y a une écoute, une attention portée à ceux qui prennent la peine de s’exprimer, c’est assez valorisant je pense et puis je réponds à ceux qui font l’effort de développer un message un peu plus long que les autres…

Ce qui fonctionne sur les réseaux, c’est un peu l’image d’Epinal non ? Peut -on concilier cette image et les questions d’attractivité ?

Les vaches, les fromages, les volcans, c’est ce qui marche… Et je n’ai aucun problème avec cette imagerie traditionnelle de l’Auvergne, non, vraiment aucun ! Au contraire, je pense que c’est aux antipodes de la rapidité et de la futilité de l’époque et qu’il y a matière à fierté d’avoir su préserver un autre cadre de vie, d’autres valeurs …

Je me demande d’ailleurs si on est bien certain que cette image soit un repoussoir ? Aujourd’hui et peut être demain plus encore, les aspirations des individus évoluent, vivre dans un cadre plus proche de la nature, d’une vraie nature, dans des environnements  moins denses … ca redevient attractif.

Et puis ce n’est pas incompatible avec l’innovation et la créativité ! 

Ceci dit, si j’ai la chance d’avoir une grande liberté pour gérer  ma ligne édito, je veille à l’équilibre.  Je ne suis pas là que pour faire de l’engagement et du chiffre, je cherche à développer des prises de parole sur des sujets un peu plus de fond et valoriser les partenaires qui font de belles choses !

Le fait que l’on soit 1er au classement WeLikeTravel est hyper gratifiant mais cela pourrait inciter à ne rien changer, ne rien tenter … Je m’auto-challenge. Pour veiller à la représentativité des territoires, parler de ceux qui sont moins connus et vont susciter moins de réactivité,  pour valoriser des initiatives artistiques ou culturelles …  Je fais attention à les placer à des moments clés, à alterner, c’est un travail de précision.

Qu’est ce qui te plait dans ce que tu fais ?

La proximité avec la communauté.

L’attachement au territoire : j’ai plaisir à en parler, à le valoriser … même si, à titre personnel, je n’ai pas envie de croiser la foule sur les mêmes sentiers que moi !

La responsabilité aussi,  prendre la parole et s’adresser à des dizaines de milliers de personnes… il faut bien peser ses mots.

Le défi de contribuer à  la maîtrise de la fréquentation :  mieux répartir les visiteurs pour éviter la concentration sur la  chaîne des Puys ou  le massif du Sancy par exemple…  Je peux contribuer à inspirer les visiteurs de l’Auvergne en leur faisant découvrir des lieux méconnus, même si l’Auvergne est loin du tourisme de masse, certaines zones peuvent être congestionnées en haute saison,  l’idée est de contribuer à éviter le trop plein.

Qu’est ce que tu n’aimes pas ?

C’est paradoxal, j’ai parlé de la proximité avec la communauté dans les éléments que j’aime mais en fait, elle n’est que virtuelle. Et puis c’est une communauté  qui repose entièrement sur des outils et des entreprises décriées, dépendre de ces outils  … si Facebook fermait du jour au lendemain, je n’ai plus de métier …

Ce que j’aimerais ce serait une proximité plus réelle avec le territoire. 

D’ailleurs, je le fais à titre personnel avec Art’Air. Depuis 2 ans, je suis bénévole après avoir participé en tant que randonneuse à plusieurs reprises. Pour moi, Art Air, c’est l’incarnation idéale d’une forme de tourisme assez complet : l’expérience de la  pleine nature, avec des guides pour expliquer les paysages, la flore… des produits du terroir à découvrir et déguster, et des expériences artistiques. 10 ans que ça existe et c’est toujours hyper moderne. Il y a plein de monde associé à l’événement, c’est une communauté.

J’ai beaucoup aimé cette expérience de bénévolat. Je me suis occupée des réseaux sociaux. Oui c’est drôle de faire ça aussi sur ses loisirs ! Là, j’étais sur place, immergée au milieu des vrais randonneurs, j’ai fait des interviewes, des photos, j’étais dedans, pour vivre l’expérience.

En fait, ça fait beaucoup de bien (lire dans la peau d’une bénévole). Les échelles ne sont pas les mêmes entre la page Auvergne Tourisme et ses 380k fans et celle d’Art Air (NDLR 3000 environ). J’ai bien mesuré combien il est compliqué d’exister pour des petites structures.  Travailler dans le tourisme dans un environnement institutionnel et se retrouver dans un environnement associatif qui galère, ça remet les idées en place, cela permet de prendre conscience de leurs problèmes, d’être plus attentif à leur faire une place, à les aider …

D’ailleurs, j’aimerais assez voir ce type d’engagement solidaire se généraliser dans l’environnement professionnel. Permettre aux  équipes dont les compétences sont variées, qui ont de l’expérience, de dégager un peu de temps de travail  pour aller aider des acteurs plus petits dans leur secteur, ce serait top !

En parallèle, tu animes un blog qui fait de toi une ‘influenceuse’. Magic Orange Plastic Bird … d’où vient ce nom ?

Alors c’est un souvenir d’enfance, un doudou boîte à musique, qui chantait « Raindrop keep falling on my head » qui a bercé mon enfance. Le message de la chanson (reprise par Sacha Distel « Toute la pluie tombe sur moi …) est globalement « Je continue d’avancer quoiqu’il arrive », j’aimais bien la symbolique.

Sinon, je ne me considère pas du tout comme une influenceuse ! Je ne reçois pas tant de sollicitations que ça !

En fait, c’est plutôt des relations qui s’instaurent comme avec le FRAC que je fréquentais assidûment et sur lequel j’ai pas mal écrit. Aujourd’hui, je suis invitée à leurs vernissages et cela fait toujours plaisir. Il y a aussi le Centre Lyrique (Clermont Auvergne Opéra) qui m’a contactée un jour pour m’inviter à un opéra, j’ai décliné, je déteste l’opéra. La personne m’a rappelée en me disant que justement elle aimerait que je vienne quand même. J’y suis allée et j’ai adoré, depuis j’y vais régulièrement et j’ai pu assister au travail de répétition, aux coulisses. Ca c’est top et très gratifiant. Ce sont des expériences auxquelles on n’a pas accès normalement. Ceci étant, quand j’accepte une invitation (je ne suis jamais rémunérée pour ça)  j’écris systématiquement,  je ne suis pas engagée formellement, mais pour moi, c’est une question de principe.

Ceci dit, je ne veux pas devenir un publi-rédac permanent, je veux que ça reste  le  blog de mes loisirs et de mes réflexions.

Tu as récemment posté un article sur ta perception du voyage …  « Moi je ne voyage pas. Je pars en vacances. » expliques-tu dans cet article, quelle distinction veux tu faire passer ?

C’est le festival des Carnets de Voyages qui m’a donnée envie d’écrire là-dessus. Voyage & proximité, slow tourisme, bienveillance, …

J’aime être totalement déchargée des questions logistiques et de décisions pendant mes vacances. Je suis très pension complète et organisée. C’est ce que je veux dire par « poser mon cerveau » L’idée pour moi des vacances c’est le lâcher prise, la reconnexion avec ses  sensations physiques. Toute l’année, je parle à des gens virtuels, devant un écran, avec une souris …  On parle beaucoup de la  méditation et de la pleine conscience en ce moment, sans aller jusque là, je pense que les vacances doivent être une parenthèse temporelle, dans  laquelle les soucis de l’optimisation du temps, de l’organisation à outrance …  n’ont plus leur place.

J’ai envie de sentir le vent, les odeurs, de regarder vraiment les paysages …. Laisser la place aux sensations, être pleinement disponible pour des choses élémentaires. Comment parler correctement nature et écologie si tu n’en fais pas l’expérience … l’écoute, l’observation … tout ca nourrit ce que tu dis.

Lire l’article :  Le voyage c’est quoi en fait ?

Ton  mantra ?

Nous vivons dans un environnement anxiogène, qui accumule les stimuli permanents, difficiles à traiter …

La vie, ce n’est pas que le virtuel mais aussi sur le pas de sa porte : déconnecter et ralentir le plus souvent possible ! Il faut réussir à se créer  des bulles pour ressentir les sensations,  se poser.

Pour moi, la lecture est un vrai outil pour ça. Je suis revenue à la presse papier :  Le 1, Zadig, Philo Mag, Le Monde (en numérique !) et la Montagne,  en papier … lire de l’information, sans être coupée par des sollicitations numériques c’est tellement agréable, …

Et puis c’est un autre traitement que celui des réseaux : lire ce que les gens qui ont pris le temps de l’analyse ont à dire et non plus l’actu à chaud, la rédaction pour le web, par essence, c’est une simplification, il y a les contraintes du SEO  etc  … tout ça conditionne la façon d’écrire …

Lire de vrais articles, c’est lire d’autres architectures et d’autres styles de pensée. Il me semble nécessaire de réapprendre à son cerveau à analyser, réfléchir, agir avec recul.

Finalement, ce n’est pas très innovant tout ça ?!

Pour finir, tes coups de cœur  lecture ?

Alessandro Baricco The Game. Un essai hyper documenté d’un non expert sur la révolution numérique.

Henry David Thoreau, Walden ou la vie dans les bois, 1854,-  le mythe fondateur. Isolé pendant plus d’un an pour se reconnecter  à la nature, écrit il y a plus de 150 ans et déjà très visionnaire.