La chimie est un secteur clé de l’industrie française. Avec l’objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 39% à 49% d’ici 2030, et jusqu’à 84% d’ici 2050, le secteur fait face à un triple défi : écologique, numérique, et énergétique. La feuille de route pour la décarbonation de la chimie en France prévoit des investissements massifs pour soutenir cette transition. Qu’en est-il en Auvergne ? Quels sont les défis et les enjeux de la chimie verte sur nos territoires ? C’était l’enjeu de la table ronde organisée par le pôle de compétitivité Axelera.

Métiers traditionnels et nouveaux horizons

La chimie, en tant que secteur, a longtemps été associée à des métiers traditionnels de laboratoire et de production industrielle. Cependant, la transition vers une chimie plus verte et numérique crée de nouveaux rôles. Hervé Mousty du Centre National d’Evaluation de Photoprotection met en lumière ces évolutions : « Aujourd’hui, nous devons non seulement répondre aux besoins traditionnels mais aussi innover dans de nombreux domaines. »

Par exemple, lorsque l’on parle de transition écologique, la chimie verte joue un rôle prépondérant. La création de matériaux biosourcés offre une alternative aux produits dérivés du pétrole. Le recyclage chimique des plastiques est également une priorité, permettant de transformer les déchets plastiques en nouveaux polymères. Par ailleurs, les recherches sur l’éco-conception des produits vise à minimiser leur impact environnemental tout au long du cycle de vie.

L’intégration de technologies numériques avancées telles que l’intelligence artificielle, l’apprentissage automatique, et l’Internet des objets (IoT) dans les processus de recherche, de développement et de production permet une optimisation significative. 

Enfin, le secteur de la chimie est également un acteur clé dans la transition énergétique. Le secteur développe des matériaux pour les technologies énergétiques renouvelables. Les recherches travaillent sur des batteries de nouvelle génération, des panneaux solaires plus efficaces ou l’hydrogène vert. 

Problématiques de recrutement et attractivité des métiers

Les entreprises chimiques font face à des défis majeurs en matière de recrutement, particulièrement pour les postes spécialisés. Aurélie Gardarin, de Carbios à Clermont-Ferrand, souligne les difficultés spécifiques du secteur : « Le recrutement est particulièrement ardu pour les postes nécessitant une expertise interdisciplinaire en chimie, biologie, et ingénierie des matériaux. Ces compétences sont cruciales pour développer des technologies disruptives qui respectent l’environnement. »

En plus de ces défis liés aux compétences, l’industrie doit également lutter contre une image parfois négative qui peut dissuader les talents potentiels. Cela peut être aggravé par l’enclavement géographique de certains sites de production. Ils rendent les postes moins attrayants pour les jeunes professionnels recherchant des environnements plus dynamiques.

Les défis ne s’arrêtent pas aux postes de haute technicité. Comme l’explique Cédric Chautard, chef d’atelier chez Euroapi : « Nous observons également une pénurie dans les métiers de production pourtant essentiels pour le secteur de la chimie environnement. »

Il existe également un décalage entre les compétences enseignées et les besoins de l’industrie. “La formation traditionnelle en chimie prépare davantage les candidats à synthétiser de nouveaux composés – une approche ‘bottom-up’ de construction moléculaire – plutôt qu’à déconstruire ou recycler des matériaux existants, ce qui serait une approche ‘top-down’.”, explique Claude Forano, directeur de la fédération des recherches en environnement à l’Université Clermont Auvergne.

Il renchérit : « Il est vital de repenser nos cursus pour intégrer ces nouvelles compétences en déconstruction et recyclage, essentielles pour avancer vers une économie circulaire. Les étudiants doivent être équipés pour répondre aux défis actuels et futurs de notre secteur, pas seulement pour répondre aux demandes traditionnelles. »

Un nouveau message positif pour parle de la chimie

Renforcer l’attractivité des carrières en chimie est essentiel pour répondre aux défis actuels et futurs du secteur. Les intervenants de la table ronde ont souligné plusieurs stratégies clés pour attirer et retenir les talents

Kevin Prévost, du département des Ressources Humaines chez Euroapi, explique l’importance de collaborer avec le monde académique : « Nous travaillons étroitement avec les institutions éducatives pour adapter les programmes de formation et mieux préparer les étudiants aux réalités de notre industrie. Il est crucial que les futurs professionnels comprennent dès le début leur rôle potentiel dans la transition écologique grâce à la chimie verte.« 

Cependant, une des grandes barrières identifiées est la méconnaissance des nouveaux métiers créés par les avancées en chimie verte. Aurélie Gardarin, de Carbios, souligne que « beaucoup de jeunes talents ne sont pas encore conscients des opportunités excitantes dans la chimie verte, où ils peuvent contribuer à des innovations durables comme le recyclage avancé des plastiques et le développement de matériaux biosourcés. Nous devons mieux communiquer sur ces rôles pour inspirer une nouvelle génération.« 

Des stratégies pour renforcer l’attractivité

Pour attirer ces talents, la construction d’une marque employeur forte est également essentielle. Aurélie Gardarin affirme : « Il est vital de projeter une image positive de l’industrie chimique qui met en lumière notre engagement envers la durabilité et l’innovation. En renforçant notre marque employeur, nous pouvons attirer des candidats qui sont motivés par le désir de faire une différence positive pour l’environnement.« 

La promotion active de la diversité des carrières disponibles dans le secteur est un autre levier important. « Promouvoir la diversité des carrières en chimie est crucial pour attirer une palette plus large de talents. Il faut illustrer la variété des parcours possibles, de la recherche et développement à la gestion de la production durable. Comme cela, nous pourrons susciter l’intérêt de candidats aux profils variés. » ajoute Claude Forano, Directeur de la Fédération des Recherches en Environnement à l’UCA.

Pour conclure

La chimie environnementale en France est à un tournant crucial. Les défis liés à la transition écologique et numérique offrent des opportunités uniques pour revitaliser ce secteur traditionnel et attirer une nouvelle génération de travailleurs motivés par les enjeux écologiques et technologiques. Comme le conclut Hervé Mousty, « La chimie a des défis passionnants à relever. À nous de les partager avec la nouvelle génération pour qu’ils nous rejoignent dans ces belles aventures. »