Originaire de Clermont-Ferrand où elle a passé toute son enfance, Christel est aujourd’hui présidente fondatrice de SexTech For Good et cofondatrice de FemTech France. Elle revendique l’importance de ces types d’innovation pour répondre aux enjeux sociétaux majeurs auxquels la société française est confrontée.

Quelle est votre histoire personnelle ?

A l’origine, je suis une communicante. Je suis très rapidement tombée dans l’univers de l’innovation, puisque j’ai travaillé pour différentes start-ups. A un moment donné, j’ai eu envie de monter la mienne. L’idée de départ était de synchroniser des contenus numériques à des objets haptiques. Pour simplifier, je voulais ajouter des sensations à des contenus dématérialisés pour que le corps puisse faire partie de l’histoire.

Il me fallait un premier démonstrateur de cette expérience de lecture numérique sensorielle. J’ai choisi de commencer par littérature érotique connectée.

Je me suis progressivement rendu compte que ce projet allait être plus compliqué que prévu. J’étais une femme, non-ingénieure avec un projet tech qui parlait de plaisir féminin, ça fait beaucoup !

On entend souvent dire que c’est plus compliqué pour une femme de faire financer son projet de start-up. C’est ce que vous avez réalisé ?

Oui. Je n’avais pas eu de culture féministe et je me disais que j’avais de la chance de vivre en France. Avec cette première expérience entrepreneuriale, j’ai compris plein de choses.

En 2018, lorsque je ferme ma startup, je me dis que je ne peux pas avoir fait tout ça pour rien. Je commence alors un parcours de réflexion sur la dimension politique de l’intime. Je deviens alors militante sur le plaisir, la sexualité et la liberté d’une manière plus générale. Quelque temps après, je crée le collectif sextech for good.

Si on ne connaît pas l’univers de la SexTech, on pourrait la réduire aux sextoys. Or, ce secteur est bien plus large que cela…

Oui, parler de SexTech, c’est parler d’éducation, de santé autant que de plaisir pour toutes et tous. C’est un vrai secteur d’innovation à impact avec un fort enjeu sociétal.

La sexualité dit beaucoup de la société dans laquelle on vit. Aujourd’hui, la “norme” reste une sexualité très patriarcale. Il est temps d’en sortir pour poser les bases d’une société plus égalitaire, plus inclusive et plus jouissive ! Des valeurs qui sont portées par le collectif SexTech For Good qui fédère une quarantaine de startups.

Il existe également l’association FemTech France, quelle est la différence avec SexTech for Good ?

La FemTech s’intéresse uniquement à l’innovation en santé des femmes tech, avec des problématiques qui ne sont pas liées uniquement à l’intimité. La SexTech, dans sa dimension santé, s’intéresse à toutes les personnes, sans notion de genre et se concentre sur les problématiques sexuelles. 

Est-ce que SexTech For Good est entendue dans le monde de l’innovation et des startups ?

Notre écosystème est petit ! Je pense que SexTech For Good, qui existe et prend la parole depuis 2018, est maintenant bien connu des entrepreneurs et des personnes intéressées par le sujet, mais il reste beaucoup à faire ! La France veut être un leader de l’innovation en santé, nous aimerions la même ambition sur là, sur les sexualités, notamment en matière d’éducation. Mais pour l’instant, force est de constater que la FemTech est plus “politiquement correct” que la SexTech même si elle souffre des mêmes problèmes de financement.

Vous, qui êtes au cœur de ces écosystèmes, quelles sont les innovations les plus représentées ?

On constate une tendance croissante de l’audio érotique qui s’impose comme une alternative au porno. On voit également des innovations dans le dating, la contraception, la santé, l’éducation des plus jeunes et des adultes (oui, on peut apprendre tout au long de la vie !), les applications pour les couples…. Il y aussi des innovations moins technos, mais qui portent sur les usages, comme les cosmétiques avec les baumes pour vulves ou les lubrifiants qui commencent à devenir des produits mainstream, et c’est une bonne nouvelle ! Sortir des tabous, c’est aussi sortir de la douleur pour beaucoup de personnes.

Et il reste beaucoup à faire, notamment pour les personnes âgées et/ou en situation de handicaps.

Côté FemTech, il y a beaucoup de projets dans le domaine des maladies chroniques gynécologiques comme l’endométriose, le SOPK, mais aussi sur la fertilité, l’accompagnement des parcours de PMA, des grossesses… Et encore assez peu sur la ménopause.

C’est le jour, la semaine, le mois des droits des femmes, quel est votre message dans ce cadre-la ?

On n’arrête pas d’entendre que l’on manque de femmes dans la tech. Pourtant, dans la FemTech et la SexTech, elles sont en grande majorité, mais cela passe sous les radars ! Ces secteurs subissent la double peine du financement qui va encore trop peu aux startups créées par des femmes, et des sujets encore tabous ou trop de niches pour certains. Résultat, on se retrouve avec des innovations prometteuses ou des produits/services avec beaucoup de valeur ajoutée, mais qui n’arrivent pas à trouver de financements conséquents.

L’Etat s’est engagé à soutenir l’innovation en santé, nous espérons qu’une partie des investissements seront fléchés vers la santé intime et sexuelle des femmes.

Quels sont d’après vous les sujets qu’il faut prioritairement porter ?

Même si les choses commencent à bouger, la France est très en retard sur les deux secteurs. Parfois, j’ai l’impression que l’on ne prend pas correctement les problèmes. Par exemple, le dernier rapport de l’Observatoire sur l’égalité est alarmant. Limiter la possibilité d’accès aux plateformes pornographiques c’est un premier pas, mais il existera toujours d’autres moyens techniques pour contourner ces interdits.

Je suis convaincue que nous devons plutôt développer l’éducation à la sexualité et apprendre aux jeunes, femmes ou hommes, à se construire. Ne diabolisons pas le porno, présentons le tel qu’il est, une vision fausse de la sexualité positive.

Y-a-t-il d’autres sujets autour de la sexualité à mettre sur la table ?

Oui, celle des seniors. Comme je le disais, elle est aujourd’hui niée. Il existe aujourd’hui un droit à l’intimité pour les seniors, pourtant dans les faits, ce n’est pas le cas. On assiste à un développement des MST dans les EHPAD, mais personne n’en parle.

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