Frédéric s’intéresse depuis toujours au travail bien fait et à l’innovation. Motion designer depuis 2015, il a désormais une nouvelle casquette à travers son projet de video mapping en intérieur. La possibilité pour les communes, les musées, et les entreprises de donner vie à leurs patrimoines pour attirer de nouveau publics. Rencontre avec un rêveur autodidacte, avec encore mille projets dans son sac.

Avant de nous parler de votre nouveau projet de vidéo mapping en intérieur, racontez-nous votre parcours de vie …

Je suis né à Clermont-Ferrand et j’ai arrêté mes études en 3ème. Comme j’étais un passionné de musique, à 18 ans, j’ai intégré un CNCM (Centre National de Création Musicale) à l’Institut de Nancy. Après deux ans, je suis revenu à Clermont-Ferrand, et j’ai commencé à travailler dans l’organisation de festivals. A côté de cela, j’ai été menuisier pendant presque quinze ans. D’ailleurs, à un moment, j’ai travaillé avec mon père qui avait repris l’entreprise Fontvieille qui fabriquait des clavecins. Dans le monde, il n’existe que 99 facteurs de clavecins et 15 en France, et j’en ai fait partie.

Par la suite, j’ai été papa au foyer pendant cinq ans. C’est pendant cette période que j’ai découvert la 3D, que je me suis formé et avant de décider de m’installer en freelance comme motion designer.

Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus sur le métier de motion designer ?

Dans mon cas, je fais de la création de films d’animation en 2D ou 3D. Ce peut être à des fins de communication, de publicité, de la scénographie ou du divertissement. “Motion Design”, c’est un peu un terme fourre tout. Finalement, c’est ce qui englobe ce qui n’est pas filmé.

Quand je me suis installé en 2015, j’ai intégré la coopérative d’activités et d’emplois Appuy Createurs. Les débuts ont été compliqués comme je ne connaissais personne et que je n’avais pas de réseau. Ensuite, j’ai collaboré avec des agences de communication et de production audiovisuelle.

Qu’est-ce qui fait que vous décidez de vous lancer dans un nouveau projet ?

En 2020, avec la crise du Covid l’activité s’arrête du jour au lendemain. Je me posais déjà des questions depuis quelque temps. J’hésitais entre changer de vie ou passer un cran au-dessus dans le développement de mon entreprise de motion design.

A cette époque, le cluster, le Damier lançait sa première édition de son incubateur de projets HUBIC.

J’ai été sélectionné et ça a été l’élément déclencheur. J’ai pu être accompagné, prendre le temps de construire mon projet. Ça a été très formateur. Je dis souvent de moi que je me suis senti pendant longtemps comme l’artisan du pixel élevé au grain. Je viens du monde de l’artisanat, où l’on a un rapport très particulier à ce que l’on fabrique. Avec l’incubateur, j’ai dû mettre une casquette d’entrepreneur et de chef d’entreprise. Réfléchir à mon offre de service et de produits, aller chercher des financements…

Et ça a plutôt bien fonctionné puisque j’ai été accompagné par France Active, le Fonds métropolitain pour l’Innovation et j’ai reçu une bourse du Crédit Agricole Centre France.

Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce qui se cache derrière votre projet de vidéo mapping ?

Oui, je développe des propositions pour des installations de vidéo mapping en intérieur. Dans ma précédente activité, j’avais eu une commande de création d’un vidéo mapping. J’ai beaucoup aimé les deux facettes du projet. D’une part, la création artistique, et de l’autre, l’installation du matériel et la restitution en public. Ça m’a rappelé mes années où j’étais sur le terrain à organiser des festivals et des concerts. 

Pour autant, encore aujourd’hui, le vidéo mapping, c’est-à-dire la projection d’animations sur des bâtiments, comme pour la Fête des lumières à Lyon, reste une prestation chère et compliquée à mettre en œuvre. J’ai réfléchi à ce que je pourrais proposer à mon échelle pour le rendre beaucoup plus accessible. J’ai donc opté pour des installations en intérieur.

Le vidéo mapping en intérieur, c’est un mix d’images animées et de sound design pour créer une expérience immersive.

Comment est-ce que l’on réalise un vidéo mapping, car le résultat est souvent très impressionnant ?

On part d’abord de documents, de scans de photos des bâtiments et on les reproduit en 3D, pour s’en servir de base de travail pour créer des images au-dessus. On peut intégrer de la 2D ou de la 3D, c’est une phase complexe et longue à mettre en œuvre. Par exemple, pour mon activité, j’utilise 15 logiciels différents pour réaliser une création. 

L’important, quand on fait du video mapping, c‘est de bien comprendre la demande et les objectifs. On peut superposer des styles d’animations très différents. Il faut donc être sûr d’être sur la même ligne que le client. 

Avec le vidéo mapping en intérieur, je rends une technologie accessible à des acteurs qui ne pourraient pas y avoir accès autrement. C’est pour cette raison que je développe des scénarios clé en main pour tous les temps forts de l’année comme Noël, ou Halloween, par exemple. Je propose également des univers féeriques ou de science-fiction. Bien que les animations soient les mêmes à la base, comme on les projette dans des lieux différents, avec des univers différents, l’expérience reste unique à chaque fois. 

L’autre avantage du video mapping en intérieur, c’est qu’il n’est pas dépendant de la tombée de la nuit. On peut faire venir le public tout au long de la journée, plutôt que d’utiliser les installations seulement en soirée. 

Quels sont les acteurs que vous ciblez ? 

Je cible avant tout les entreprises qui souhaitent proposer des animations originales dans les salons professionnels, les centres commerciaux, les communes de petites tailles et les musées. D’ailleurs, pour répondre aux différentes demandes, j’ai quand même la possibilité d’offrir une prestation en extérieur et j’ai aussi développé un micro-monde en miniature. Ce sont des petites maquettes, comme des maisons de poupée qui permettent de raconter des histoires ou l’Histoire avec un grand H. 

Par ailleurs, et toujours dans l’idée de proposer des solutions accessibles au plus grand nombre, je suis équipé d’un costume de motion capture, comme pour le film d’animation Avatar. En ce moment, je travaille avec une danseuse pour retranscrire des mouvements fluides et crédibles sur mes personnages, plutôt que de partir de zéro. C’est un gain de temps en plus d’avoir un résultat qui rend les déplacements des personnages harmonieux

Vous avez dû retarder le lancement de cette activité parce que vous avez été pris sur un autre projet de motion design. La réalisation de la vidéo Inspire. Dans ce cas-là, la technologie ne sublime pas le passé, mais nous projette dans l’avenir. Comment est-ce que l’on travaille sur un projet de ce type ?

Pour que cela fonctionne, il faut être associé dès le départ du projet. Pour réaliser la vidéo Inspire, il a fallu aller filmer des plans de la ville en drone. J’étais présent, car j’avais besoin d’être sûr que j’aurais certains angles bien spécifiques qui me permettraient ensuite de travailler la 3D en superposition.

Ensuite, il faut nettoyer la vidéo initiale, c’est-à-dire ôter tous les éléments perturbateurs, le cycliste sur le trottoir, la voiture en double file etc etc..Puis, on intègre les plans 3D sur chaque vidéo pour pouvoir montrer le avant/après. 

Pour autant, on ne fait pas ce que l’on veut. Je ne suis pas un spécialiste de l’aménagement urbain, j’ai dû rencontrer beaucoup de services pour décider des éléments techniques à intégrer pour que la 3D soit la plus réaliste possible par rapport au projet. Quels types de bus, quels types de poubelles, quel âge devront avoir les arbres. Ce n’est pas anodin, si on intègre des arbres d’un an, il n’y aura pas de feuillage, ce qui donnera un aspect très minéral au projet. Si on intègre des animations d’arbres centenaires, ce n’est pas crédible, et ça risque de décevoir au moment de la mise en œuvre. C’est un subtil dosage entre réalité et projection.

C’est l’instant carte blanche, quelque chose à ajouter ? 

Il faut faire la distinction entre innovation technique ou technologique et innovation d’usage. Avec le vidéo mapping par exemple, je n’ai rien inventé d’un point de vue technique. En revanche, j’ai imaginé des produits qui peuvent correspondre à d’autres besoins. 

Je pense que dans nos métiers, il est très important de brainstormer et de rêver pour aller chercher de nouvelles manière d’embarquer les publics dans des nouvelles expériences. Je ne parlerais pas d’immersif, on entend beaucoup trop ce mot, et il ne veut plus rien dire. Je dirais plutôt enchanteur. J’ai gardé mon âme d’enfant et j’ai envie de créer et de partager des mondes imaginaires enchanteurs. J’ai déjà plein de nouvelles idées, mais là, je crois qu’il est vraiment encore trop tôt pour en parler.